Rapport moral présenté par François Fillon, Président, à l’Assemblée Générale du 29 septembre 2021

Le Président François Fillon a longuement développé, devant des adhérents concernés et motivés, les raisons de son engagement et de l’existence de notre Association .


Après avoir souligné que l’Association « Agir pour la Paix avec les Chrétiens d’Orient » est une association d’intérêt général jeune puisqu’elle n’est véritablement entrée en action qu’en 2019 et qu’elle n’accueille des adhérents que depuis janvier 2020, il a rappelé les objectifs prioritaires qui guident nos actions (cf. page d’accueil de notre site).

Il a ensuite développé les raisons de son engagement et de l’existence de notre Association :

« Pour beaucoup d’entre nous l’irruption de l’Etat Islamique en Irak et au Levant a été déclencheur de notre engagement aux côtés des Chrétiens d’Orient chassés de leurs foyers quand ils avaient eu la chance de pouvoir fuir devant le danger mortel que représentait ce nouveau totalitarisme que j’ai qualifié d’islamique.

La chute de ce Califat établi sur les décombres de l’Irak en ruine après l’intervention américaine de 2003 et de la Syrie en proie à une terrible guerre civile, a fait retomber la pression médiatique et l’on pourrait penser que la situation des chrétiens d’Orient est aujourd’hui stabilisée.

Le voyage du pape en Irak est venu confirmer ce sentiment de même que le retour d’une paix très relative dans une grande partie de la Syrie.

S’il est incontestable que la menace immédiate d’un génocide a disparu avec la dispersion des forces de l’Etat Islamique, la situation des chrétiens d’Orient ne s’est pas réellement améliorée dans une région qui est plus déstabilisée que jamais.

Les crises se succèdent dans le monde et nous conduisent à détourner notre regard des plus anciennes au profit des plus récentes. Un drame en chasse un autre nous faisant perdre de vue l’essentiel.

Il y a aujourd’hui deux menaces principales sur l’ordre international :

La rivalité sino-américaine et la montée du totalitarisme islamique.

La compétition entre la Chine et l’Amérique pour la domination de l’économie mondiale va structurer les relations internationales pour les deux prochaines décennies.

Ce sera une compétition âpre, dangereuse, qui peut déboucher à tout moment sur un conflit généralisé.

Nous devons refuser cette logique de blocs et démontrer qu’il existe une autre voie que celles proposées par Washington et Pékin.

La seconde menace est celle du Totalitarisme Islamique.

Cette menace n’a pas disparu avec la chute du Califat établi en Irak et en Syrie par l’Etat Islamique.

Le retour brutal des Talibans en Afghanistan est là pour nous le rappeler.   Ce n’est pas un évènement secondaire !

Pourquoi ?

D’abord parce qu’il témoigne de notre impuissance occidentale à offrir des alternatives politiques réalistes, prenant en compte l’histoire, la culture et les traditions des peuples.

15 ans de guerre :

2200 milliards de dollars pour les US – 4 milliards de dollars pour la France.

110 000 morts afghans – 4000 morts pour la coalition menée par les américains.

Le résultat : Un château de cartes qui s’écroule en moins d’une semaine.       Il affaiblit considérablement la dissuasion militaire occidentale.

Sans cette dissuasion le nombre de conflits dans le monde ne pourra que croitre multipliant les étincelles qui peuvent à tout moment générer les conditions d’un embrasement généralisé.

Ensuite le retour des talibans constitue un formidable encouragement pour tous les mouvements qui combattent pour un Islam radical dans le monde.

C’est une victoire et comme toutes les victoires elle crée une dynamique.

Enfin le territoire afghan risque de redevenir une pépinière de combattants islamiques radicalisés et une base arrière pour le lancement d’attaques terroristes dans le monde.

Si on élargit le champ d’analyse en prenant un peu plus d’altitude :

L’islamisme radical est présent en Chine ou près de 4000 Ouïgours ont combattu aux côtés de l’Etat Islamique (versus 3000 occidentaux)

Des groupes islamistes radicaux opèrent aux Philippines, en Malaisie, en Birmanie, en Indonésie. Au Pakistan le pouvoir est de facto partagé entre le gouvernement et les islamistes radicaux. Le pays a d’ailleurs été la base arrière des talibans pendant l’occupation américaine malgré l’alliance existante entre Islamabad et Washington. (Le Pakistan détient l’arme nucléaire).

En Asie centrale la menace islamiste radicale reste très présente et le retour des Talibans au pouvoir en Afghanistan a conduit la Russie et les anciennes républiques soviétiques de la région à renforcer leur coopération en matière de sécurité. (Réunion en août de l’organisation du traité de sécurité collective)

Ces mêmes pays se sont également rapprochés de la Chine pour accroître leur collaboration dans la lutte contre l’islamisme radical. Un sommet s’est tenu la semaine dernière à Douchanbé au Tadjikistan en présence des pays d’Asie centrale mais aussi de la Russie et de la Chine.

Au Moyen Orient la seule lueur d’espoir est venue des accords d’Abraham qui laisse entrevoir une voie étroite et encore fragile de coexistence pacifique entre Israël et les pays arabes.

Pour le reste le tableau est sombre :

La Syrie est à terre, ruinée et profondément divisée par 10 ans de guerre civile.

L’Irak est une fiction.

Le Liban glisse lentement mais sûrement sous le contrôle iranien.

L’Iran s’est encore radicalisé (ce qui montre une nouvelle fois que les politiques de sanctions non seulement ne fonctionnent pas mais sont le plus souvent une cause de radicalisation)

La guerre au Yémen s’éternise.

L’Egypte ne doit son salut qu’à un régime autoritaire qui réduit les islamistes au silence mais avec le risque de voir ressurgir les contestations qui avaient conduit à la chute du président Moubarak.

La Libye est balkanisée. Sa situation sécuritaire se dégrade et les groupes radicaux, notamment l’Etat Islamique s’y développent dangereusement.

Dans la région du Sahel la lutte contre le totalitarisme islamique est dans l’impasse et la France a entamé un retrait progressif de ses forces qu’on ne peut guère lui reprocher mais qui signifie surtout après le retrait américain d’Afghanistan un aveu d’impuissance des occidentaux lourd de conséquence.

La Turquie d’Erdogan utilise l’islam radical pour accroître son influence au Moyen orient et rêve de reconstituer l’empire Ottoman.

La Tunisie et l’Algérie pour des raisons différentes restent des cibles stratégiques pour les islamistes qui chercheront à profiter de toutes les crises pour revenir en force.

Le Nigéria ne parvient pas à venir à bout de Boko Haram qui vient encore d’enlever une centaine d’élèves d’une école chrétienne et qui multiplie les attentats terroristes.

Enfin l’incapacité de l’Europe à maîtriser l’immigration et sa pusillanimité à combattre la montée de l’islam radical en fait un objectif de déstabilisation pour les mouvements totalitaires islamiques qui agissent à la fois par des actes terroristes et par le contrôle religieux d’une partie de la population musulmane engendrant des tensions et un cycle de réactions violentes dangereux pour nos démocraties.

Un tableau trop pessimiste ?

Je voudrais tellement qu’il en soit ainsi. Je cherche désespérément les signes d’un progrès durable sur le front de la lutte contre le totalitarisme islamique.

Les accords d’Abraham peuvent être interprétés comme le signe d’une évolution positive des monarchies du Golfe qui ont longtemps été les sponsors des terroristes islamiques, au prétexte de la lutte contre Israël, sont certes des signes encourageants. Mais ces monarchies sont aussi fragiles et leur sincérité doit encore être démontrée.

Dans ce contexte les Européens devraient profondément revoir leur agenda international et faire de la lutte contre le totalitarisme radical une priorité absolue.

Comment ?

En constituant l’alliance la plus large possible pour mener cette bataille existentielle. En faisant preuve de réalisme dans les relations internationales plutôt qu’en essayant d’imposer au nom des droits de l’homme des conceptions occidentales à des Etats et à des peuples qui n’ont pas encore fait le chemin que nous avons parcouru pour les adopter.

En s’engageant massivement pour sauver le Liban pluraliste qui ne sera bientôt plus qu’un souvenir : Aide financière d’urgence massive et pression sur l’Iran et l’Arabie Saoudite qui s’y livrent une guerre par procuration.

Comment faire pression sur l’Iran ?

Un grand pays relativement moderne avec une population éduquée qui aspire à des changements. Une situation qui fournit des leviers.

Une situation très différente de celle de l’Afghanistan.

La politique des sanctions dictées par les Américains a échoué. Elle n’a conduit qu’à la radicalisation du régime. Il faut donc en sortir en entamant une nouvelle phase de dialogue exigeant avec les Iraniens.

Une position commune avec la Russie sur ce sujet permettrait de renforcer considérablement notre position de négociation.

Enfin l’Europe devrait adopter une position unie et intransigeante sur la situation des chrétiens d’Orient. L’Europe doit faire comprendre aux gouvernements des pays musulmans que le maintien des communautés chrétiennes dans les territoires dont elles sont issues est une condition de la paix au Moyen Orient.

C’est l’objectif de notre association et j’espère pouvoir très vite quand j’en aurai fini avec les épreuves qui me sont encore imposées cette année, reprendre mon bâton de pèlerin pour aller convaincre en Europe et au Moyen Orient que nos civilisations qui ont beaucoup en commun sont menacées par la montée du totalitarisme islamique qui conduira tôt ou tard à des réactions violentes en Europe contre les communautés musulmanes parce que la violence engendre toujours la violence, l’intolérance et la bêtise. »