« Les Chrétiens d’Orient risquent d’être une nouvelle fois les victimes collatérales de l’affrontement entre l’Occident et le totalitarisme Islamique »
Après avoir rappelé les objectifs de l’Association « Agir pour la Paix avec les Chrétiens d’Orient » : Porter la parole des chrétiens d’Orient pour que leur Cause ne tombe pas dans l’oubli et leur apporter une aide concrète sur le terrain pour leur permettre de rester vivre dans leur pays,
Le Président François Fillon a développé une analyse approfondie de la situation au Moyen Orient et de ses conséquences incalculables :
« La situation au Moyen-Orient vient hélas confirmer mes craintes et les analyses que j’ai déjà et à plusieurs reprises formulées devant vous.
L’insoutenable massacre perpétré par le Hamas n’est pas un acte isolé d’un groupe terroriste égaré et minoritaire. Il est l’expression la plus violente, la plus extrême d’un mouvement profond qui menace la paix du monde et que j’ai qualifié dès 2016 de « totalitarisme islamique ».
Certes le Hamas se nourrit de la désespérance des palestiniens dont l’occident avait fini par oublier le sort. Mais le combat du Hamas est beaucoup plus large que la seule question palestinienne, il s’inscrit comme celui d’Al-Qaeda, de l’Etat islamique en Irak et au Levant et des frères musulmans dans un projet global d’instauration dans une large partie du monde, d’un régime totalitaire grossièrement peint aux couleurs de l’islam.
Aveuglés par notre arrogance, distraits par nos débats absurdes sur le wokisme ou la négation des genres, obnubilés par une menace russe surestimée nous avions oublié l’essentiel : la progression continue de l’islamisme radical, du sud-est asiatique à l’Afrique occidentale en passant par la Seine Saint Denis, Molenbeek et Birmingham.
La force de ce mouvement totalitaire se mesure à l’ampleur des manifestations anti israélienne dans le monde et à la gêne diplomatique de la plupart des gouvernements des pays du Sud qui n’osent pas affronter leurs opinions en condamnant sans ambiguïté les crimes odieux commis le 7 octobre.
Aujourd’hui nous sommes au bord d’un conflit régional majeur au Moyen-Orient dont les conséquences sont incalculables.
L’Iran, l’Irak, la Syrie, le Hezbollah au Liban, les Houthi au Yémen n’attendent qu’une occasion pour entrer dans le conflit directement ou par procuration.
La France et l’Europe n’ont quasiment plus aucune influence sur ces acteurs. Quant aux États-Unis, ils n’existent guère que par leur puissance militaire déployée dans la région.
Mais leur engagement direct dans le conflit ne ferait que creuser encore un peu plus le fossé qui sépare désormais l’occident du Sud global qui n’a rien d’autre en commun que notre détestation.
Comment en est-on arrivé là ?
En laissant pourrir la question palestinienne.
En détruisant l’Etat irakien.
En laissant le champ libre à la Russie et à la Turquie en Syrie.
En abandonnant l’Afghanistan aux Talibans après 15 ans de combat pour rien.
Mais surtout en refusant de voir monter le danger totalitaire islamique que nous avons cru circonscrit à quelques mouvements extrémistes alors qu’il rencontrait un écho favorable auprès de millions de musulmans à travers le monde.
En abandonnant les chrétiens d’Orient à leur sort, eux qui constituaient souvent des éléments d’équilibre entre les communautés présentes au moyen orient.
Le désintérêt de l’occident pour les chrétiens d’Orient a envoyé un signal de faiblesse qui laisse penser que nous ne nous battrons pas pour défendre notre civilisation.
La difficulté aujourd’hui réside dans le fait que nous n’avons plus guère d’alliés en dehors du cercle occidental.
Le conflit en Ukraine, la rivalité sino-américaine nous privent d’interlocuteurs capables de contenir l’Iran ou la Turquie.
La politique étrangère ne peut pas consister à ne parler qu’aux États qui partagent nos valeurs.
On peut condamner la déclaration de guerre de la Russie à l’Ukraine sans pour autant refuser de voir l’existence du problème posé par les territoires de la Crimée et du Donbass majoritairement peuplés par des russes.
On ne peut pas dénoncer la violation du droit international seulement quand cela nous arrange, en Ukraine mais pas en Irak, au Haut Karabakh ou dans le conflit israélo-palestinien.
On peut qualifier de crimes de guerre les bombardements des populations civiles à condition d’appliquer cette règle à tous les conflits et pas seulement à ceux dans lesquels nous ne sommes pas impliqués.
Mais on doit surtout adopter une stratégie de long terme pour préserver la paix et protéger notre civilisation de ses véritables ennemis.
Adopter une stratégie de long terme suppose d’abord de retrouver la maitrise de nos choix.
Dans le conflit en Ukraine nous avons été entrainés depuis 2012 par les choix des Américains et l’alignement aveugle de nos partenaires européens.
A cet égard l’activisme de la présidente de la commission européenne au-delà des compétences qui lui sont dévolues par les traités pose une question grave sur le fonctionnement de l’Union Européenne.
Une voix française forte et indépendante comme celle de Chirac s’opposant à la guerre en Irak ou celle de Sarkozy s’interposant dans le conflit entre la Russie et la Géorgie aurait pu contribuer à réduire l’intensité de la confrontation délétère entre l’Occident et le Sud global qui fait le jeu des adversaires de nos valeurs et de notre civilisation.
Il est désormais très tard pour inverser le cours des choses.
La priorité est d’éviter l’extension du conflit israélo-palestinien.
Le principal acteur de cette extension est l’Iran.
Il est illusoire de croire que les sanctions occidentales et les menaces militaires américaines suffiront à dissuader le régime des mollahs d’accroitre son engagement dans ce conflit.
Il convient donc d’isoler l’Iran en cherchant à briser la dynamique des BRICS initiée par la Chine et la Russie.
Comment y parvenir sans chercher à résoudre le conflit en Ukraine en ouvrant un espace de dialogue avec Moscou et en offrant à Kiev une alternative à une guerre meurtrière et sans issue.
Contenir l’Iran devrait aussi nous conduire à prendre des initiatives pour préserver le Liban qu’une guerre avec Israël achèverait de détruire définitivement.
Préserver le Liban suppose d’agir simultanément vis-à-vis de l’Iran, de la Syrie et de l’Arabie Saoudite.
L’Iran doit savoir que nous ne laisserons pas sans réagir éliminer les chrétiens au Liban.
Un accord doit être trouvé avec la Syrie pour permettre le retour chez eux en sécurité des réfugiés avant qu’ils ne déstabilisent le malheureux Liban comme ce fut le cas avec les palestiniens.
On m’objectera qu’on ne peut pas dialoguer avec Bachar el Assad qui s’est rendu coupable d’innombrables crimes de guerre.
C’est avec ce raisonnement que la France et l’Europe ont déserté la Syrie et ont laissé les mains libres à la Russie et à la Turquie.
Quel est le bilan de ce choix dicté par notre conscience démocratique ? Un interminable conflit qui a fait plus de six cent mille morts, une déstabilisation du Liban submergé par plus de deux millions de réfugiés et le maintien de Bachar el Assad au pouvoir !
La politique étrangère d’un état ne peut pas être menée par l’émotion et le désir que le monde nous ressemble. Elle doit répondre à un objectif prioritaire, celui de ses intérêts vitaux et de la recherche de la paix.
La politique étrangère européenne n’est guidée aujourd’hui que par l’émotion et le court terme. Elle est totalement dépourvue de stratégie et de vision de long terme. Elle contribue puissamment à la fracture entre l’occident et le sud global.
La France doit encourager les efforts de l’Arabie Saoudite et des Émirats Arabes Unis pour le développement de la région et pour la normalisation des relations avec Israël.
Certes la guerre à Gaza ne permettra pas la poursuite à court terme du processus des accords d’Abraham mais la prudence des réactions de Riyadh et d’Abu Dhabi laissent entrevoir l’espoir d’une reprise du dialogue.
Les EAU et l’Arabie Saoudite sont engagés dans une profonde transformation de leurs économies et de leur société. Les deux états sont pleinement conscients du danger que leur fait courir le totalitarisme islamique.
Le gouvernement de Mohamed Ben Zayed le combat depuis longtemps avec la plus grande détermination. Celui de Mohamed Ben Salman l’a rejoint dans ce combat en rupture avec le passé du royaume saoudien.
Leur rôle ne doit pas être sous-estimé. Ce ne sont plus des monarchies pétrolières artificielles et soumises aux États Unis.
Ce sont des puissances régionales indépendantes désormais au cœur d’une économie mondiale dont le centre de gravité se déporte vers l’Asie.
La France y est encore respectée, notamment grâce aux accords de défense conclus en 2009 avec les EAU et une coopération économique intense avec l’Arabie saoudite.
Pour consolider cette confiance, la France doit cependant assumer une politique étrangère indépendante des Etats-Unis et surtout inscrite dans la durée et le respect des engagements pris.
Il ne peut pas y avoir de « en même temps » dans la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons.
D’autant que les chrétiens d’Orient risquent d’être une nouvelle fois les victimes collatérales de l’affrontement entre l’Occident et le totalitarisme Islamique.
Leur situation en Irak et en Syrie est plus précaire que jamais.
Au Liban, un conflit avec Israël fournirait au Hezbollah l’occasion de renforcer sa main mise sur le pays.
Au Haut Karabakh, 120 000 chrétiens ont été poussés à l’exil dans l’indifférence de la communauté internationale.
D’une manière générale le conflit israélo-palestinien ne peut que rendre accessoire le sort des chrétiens d’Orient au regard des puissances occidentales qui s’en préoccupaient déjà si peu.
J’ai toujours défendu l’idée que leur présence était un facteur de paix au Moyen Orient et qu’à contrario l’évolution des états de la région vers une identité religieuse unique et exclusive ne pouvait que conduire à la violence et à la guerre.
Notre association poursuivra inlassablement ses efforts pour défendre leur présence sur les terres qu’ils occupent depuis deux millénaires et pour démontrer la force de la tolérance et du respect des minorités dans la lutte contre la violence et son prolongement ultime : la guerre.
Les massacres du 7 octobre ont considérablement augmenté les risques de conflit mondial.
La France et l’Europe ne peuvent plus agir seulement en réaction aux évènements internationaux. Nous devons comprendre que nos adversaires ont des stratégies pour nous détruire qu’ils déroulent implacablement.
Sans une révision profonde de nos stratégies et de nos moyens d’action nous fonçons comme des somnambules vers une troisième guerre mondiale.
Nous prétendons agir au nom de nos valeurs mais nos choix conduisent tout droit à leur destruction. »
Les membres de l’Association venus nombreux à notre Assemblée Générale attentifs aux propos du Président et motivés pour Agir pour la Paix avec les Chrétiens d’Orient.